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Diffamation, injure, outrage et incitation à commettre certaines infractions

Les peines mentionnées ci-dessous sont des peines maximales, elles ne sont pas représentatives de ce qui est prononcé / ce qui peut vraisemblablement être prononcé à votre encontre.

Ces infractions sont regroupées sur une page car elles sont commises par des simples paroles ou messages : en cela, ce sont des infractions d'opinion. Il faut y être vigilant.e lorsque l'on communique.

1 | Diffamation

La diffamation est définie par l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 comme « Toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation. ». 

La page de service-public.fr sur le sujet est de bonne qualité.

Cette infraction figure dans la loi de 1881 bénéficiant d’un régime procédural spécial. Elle n'est pas susceptible de conduire à une interpellation et à un placement en garde à vue. Les moyens de défense face à une telle infraction seront la preuve de la vérité du propos ou la bonne foi.

Cette infraction est punie de 12 000 euros d’amende (article 32 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse).

Lorsque la diffamation est commise envers un représentant de l’État en raison de sa fonction ou de sa qualité : 45 000 euros d’amende (article 31 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse).

En pratique, cette infraction n'a à notre connaissance jamais été utilisée dans le cadre d'actions xr.

En décembre 2020, la Cour d’appel de Paris a confirmé la relaxe de l’association Greenpeace, après une première relaxe en 2019. L’association était poursuivie pour « diffamation », pour le blocage en 2015 par une quinzaine de militants de l’entrée du siège de l’Union InVivo, premier groupe coopératif français commercialisant notamment des pesticides (infos ici).

Bien comprendre le risque de diffamation

Lorsque nous rédigeons un texte qui a pour vocation d'être diffusé au-delà de nos canaux de diffusion interne, si nous parlons d'une personne ou d'une organisation de manière négative, il existe un risque que l'entité qui diffuse soit attaquée pour diffamation.

Il existe 2 types de diffamations : la diffamation publique et la diffamation privée. La différence entre les deux est que la diffamation publique s'applique quand le document est diffusé auprès de personnes ne partageant pas la même communauté d'intérêt (communiqué de presse, page du site web, affichage publique, etc.). La diffamation privée s'applique quand le document est diffusé dans un cercle restreint qui partage une communauté d'intérêts. La distinction n'est pas très claire, mais on peut retenir que le caractère public est facilement retenu. Les deux types de diffamation sont des infractions, mais seule la diffamation publique est un délit, donc le risque de condamnation pour la diffamation privée est plus faible et se limite à une contravention.

Il existe 2 exceptions au risque de diffamation : l'exception de vérité et l'exception de bonne foi. Il s'agit de deux outils pour se défendre quand on est accusé de diffamation. Devant le Tribunal, il va s'agir de prouver que ce qui a été dit ou écrit est vrai avec des preuves (tweets, emails, textos, screenshots, témoignages concordants, etc.) ou alors que la communication a été faite de bonne foi sans intention de nuire à la personne, notamment sans avoir exagéré les accusations.

Palette d'outils en pratique

En pratique, les options pour prévenir les risques de faire face à un procès pour diffamation :

  • N'écrire que des choses qui ne nuisent pas à la réputation des personnes
  • N'écrire que des choses que l'on peut prouver en cas de procès
    • se créer un dossier bien identifié et accessible par le GT Juridique local
  • Écrire dans un style qui parle de l'expérience subjective et des ressentis des personnes plutôt que de manière absolue. Par exemple, préférer "des rebelles ont été mal à l'aise face à des comportements qu'elles ont jugé paternalistes de la part de X" plutôt que "X a des comportements paternalistes"
  • Ne pas écrire des choses que l'on sait fausses
  • Ne pas écrire de choses ambiguës
  • Ne pas permettre l'identification de la ou des personnes visées (ex : on écrira "un supermarché" plutôt que "Leclerc")

Pour gagner une défense contre un procès en diffamation :

  • N'écrire que des choses que l'on peut prouver en cas de procès
    • se créer un dossier bien identifié et accessible par le GT Juridique local
Alors, que faire ?

La diffamation est un outil à double tranchant. Il est puissant puisqu'il peut nuire à la réputation d'une personne. Mais si ce qui est dit est faux, cela peut nuire à la confiance que les personnes ont dans ce que le collectif communique et à la réputation du collectif lui-même.

Il convient donc de jauger au cas par cas si le risque en vaut vraiment la chandelle.

2 | Injure et outrage

L'injure et l'outrage sont deux infractions très proches. Cependant, la qualification d'un acte comme injure ou comme outrage a des conséquences importantes : alors que l'injure est une infraction prévue par la loi sur la liberté de la presse qui est particulièrement protectrice pour les suspects (délai de prescription de 3 mois, pas de garde à vue possible, plainte de la victime indispensable...), l'outrage suit les règles de droit commun et la peine encourue est bien plus élevée.

L'injure est définie par l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881, comme « toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l'imputation d'aucun fait ». En clair, on peut être accusé de diffamation pour avoir dit que Darmanin est un violeur (ça renferme un fait précis, qui peut théoriquement être vérifié), tandis qu'on sera plutôt accusé d'injure si on a dit "Darmanin est un connard" (ne renferme aucun fait). L'injure est en principe punie d'une amende de 12 000 euros, sauf si elle est commise en privée envers une personne qui n'est pas une autorité publique (auquel cas ce n'est qu'une contravention de 38 euros).

L'outrage est plus spécifiquement une "atteinte à l'autorité de l'état", donc elle ne peut pas être retenue si vous écrivez "Pouyanné est un idiot", par exemple (puisqu'aux dernières nouvelles, Patrick Pouyanné est un chef d'entreprise privée). Il se définit comme « les paroles, gestes ou menaces, les écrits ou images de toute nature non rendus publics ou l’envoi d’objets quelconques [...] de nature à porter atteinte à sa dignité ou au respect dû à la fonction dont elle est investie » (article 433-5 du code pénal). Il est passible d'un an de prison et 15 000 euros d'amende (deux ans et 30 000 euros si en réunion) lorsqu'il est adressé à une personne dépositaire de l'autorité publique (typiquement un.e policier.e), ou de 7 500 euros d'amende s'il est adressé à une personne chargée d'une mission de service public (un.e enseignant.e, un.e guichetier.e...)

Si vous avez bien suivi : la différence principale qui permet de les distinguer est que l'outrage s'adresse à des personnes qui travaillent pour l'Etat, tandis que l'injure est plus large. Tout le problème est qu'il y a une zone commune : si j'écris "Darmanin est un connard", ça pourrait être un outrage et une injure.

Il y a bien des éléments pour distinguer les deux (on le rappelle, l'enjeu est gros : une qualification d'outrage permet une garde à vue et tout ce qui va avec, l'injure non) :

  • l’outrage doit être adressé directement à la personne outragée ou procéder d’une volonté que les propos lui soient rapportés par une personne présente -> si j'écris "Darmanin est un idiot" sur une pancarte, ce ne sera sans doute pas le cas. Par contre, si j'insulte lea policier.e en face de moi, ce sera le cas
  • à l'inverse, l’injure publique n’a pas à être adressée directement à l’intéressé ou destinée à lui être rapportée -> ma pancarte "Darmanin est un idiot" sera une injure, pas un outrage

Le problème (largement expliqué par cet article sur paris-luttes.info) est que la police/justice profite du flou entre ces deux infractions pour poursuivre sous le prétexte de l'outrage des infractions qui relèvent de l'injure. Comme d'habitude, ce n'est qu'au moment du procès que le débat aura lieu (après que vous ayez passé plusieurs heures/jours en garde à vue pour rien, donc). Exemple (qui s'est bien fini) pour une personne ayant affiché une banderole "Macronavirus, à quand la fin" initialement poursuivie pour outrage : par ici.

3 | Incitation à commettre certaines infractions

Le simple fait d'inciter à commettre un délit (lorsque ce n'est pas suivi d'effet) n'est pas une infraction : ça ne l'est que lorsque l'on incite à commettre des délits ou crimes particuliers et graves. Il s'agit :

  • Des atteintes volontaires à la vie, des atteintes volontaires à l'intégrité de la personne et des agressions sexuelles
  • Des vols, extorsions et destructions, dégradations et détériorations volontaires dangereuses pour les personnes
  • Des infractions portant atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation (par exemple, le sabotage dans son sens juridique)
  • Certaines autres infractions

Par conséquent, il est peu probable que cette infraction puisse nous être reprochée. Cela permet plutôt de viser un appel à aller mettre le feu à une voiture de police, par exemple.

La peine encourue est 5 ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende (cf article 24 de la loi sur la liberté de la presse).

Attention, quelque soit le crime ou le délit, si l'incitation est suivie d'effet, la complicité pourra être retenue. Le complice encourt la même peine que l'auteur (cf cette page, on parle ici de la complicité par provocation). Par exemple, une incitation à l'enlèvement suivie d'effet pourrait être punie de 20 ans de réclusion criminelle.