Les suites possibles
Une fois libéré·e ou l'action terminée, n'hésitez pas à vous mettre en contact avec votre groupe local pour débriefer, partager ce qu'on a vécu et réfléchir à la communication sur la répression judiciaire de l'action. Se mettre en contact avec @support_juridique sur la base pour des conseils juridiques et media et messages pour la communication.
Cas 1 : il n'y a pas eu de garde à vue, vous ne vous êtes pas fait.e interpeller ou uniquement pour un contrôle / vérification d'identité
Soit vous n'êtes pas poursuivi.e, soit une enquête peut être en cours, auquel cas vous recevrez un papier plus tard. Vous pouvez être poursuivi même s'il n'y a pas eu de "victime", ou que la "victime" (par exemple, l'entreprise dont vous avez retiré les panneaux de publicité) n'a pas porté plainte. Dans l'attente du papier, reportez vous à la partie "enquête". Une fois l'enquête terminée, les suites judiciaires possibles pourront être :
- un classement sans suite (vous n'êtes pas poursuivi.e ; c'est cool, mais le procureur peut revenir sur sa décision dans les 6 ans)
- une convocation à un procès ultérieur (devant un tribunal correctionnel ou de police)
- une convocation à une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité
- une ordonnance pénale
- une convocation devant un.e procureur
- une convocation pour une alternative aux poursuites ou une composition pénale
- une amende forfaitaire
Cas 2 : il y a eu une garde à vue, et vous êtes sorti.e directement
Si vous êtes ressorti.e sans papier :
- cela peut signifier que votre affaire est classée sans suite, donc que vous n'êtes pas poursuivi.e. C'est cool, mais le procureur peut revenir sur sa décision dans les 6 ans
- cela peut signifier que l'enquête est toujours en cours, auquel cas vous recevrez un papier plus tard (pour savoir ce qu'il peut se passer pendant une enquête, voir la page dédiée)
Si vous êtes ressorti.e avec un papier (ou que vous en avez reçu un ultérieurement) :
- ce papier est une convocation à un procès ultérieur (convocation par officier de police judiciaire, devant un tribunal correctionnel)
- ce papier est une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité
- ce papier est une ordonnance pénale
- ce papier est une convocation devant un.e procureur
- ce papier est une convocation pour une alternative aux poursuites ou une composition pénale
Dans tous les cas, ne pas hésiter à poser des questions sur les délais et voies de recours ou sur la procédure à la personne qui vous tend le papier !
Retour sur les procédures mentionnées
Les alternatives aux poursuites
Comme avec la composition pénale, cela signifie que le procureur renonce à vous poursuivre classiquement. Les sanctions prononcées ne seront visibles sur aucun des bulletins de votre casier judiciaire. Si vous refusez ces mesures, le procureur pourra engager des poursuites (= procès ou convocation sur reconnaissance préalable de culpabilité) ou vous proposer une composition pénale. Ces mesures ne sont inscrites sur aucun bulletin de votre casier judiciaire.
Dans le détail : qu'est-ce que les alternatives aux poursuites ?
Les alternatives aux poursuites servent sur la théorie à désengorger les tribunaux en apportant tout de même des réponses pénales rapides et à moindre coût, notamment pour les "primo-délinquants". Par exemple : le rappel à la loi, une de ces alternatives, représentait 21% de la réponse pénale en 2019 !
Dans un contexte de désobéissance civile, on peut imaginer d'autres objectifs :
- le dossier n'est pas assez solide pour faire tenir un procès (grâce à par exemple la dilution de responsabilité ou le mode d'action choisi) mais le parquet a tout de même envie de taper ;
- l'envie de épuiser/faire peur/saper la motivation des militant·es ;
- l'envie de taper facilement au porte-monnaie des militant·es et des mouvements.
Le procureur de la République peut décider de proposer des alternatives aux poursuites. Cette proposition et sa mise en œuvre si acceptation suspend l'action publique (autrement dit, le délai de prescription arrête de courir pour un temps, donc il s'allonge). Si lae mis·e en cause refuse, le parquet peut proposer une composition pénale ou peut engager des poursuites ou peut classer sans suite.
Majeur·es et mineur·es sont concerné·es.
A noter que, bien que cela ne se soit encore jamais vu dans nos milieux à notre connaissance, rien n'empêche le parquet de vous poursuivre plus tard même si vous avez accepté une alternative.
Il s'agit de :
- Avertissement pénal probatoire (ce qui a remplacé le rappel à la loi à partir de 2023)
- Stage de citoyenneté ou de sensibilisation (à votre charge ou non)
- Réparation du préjudice de la victime (qui peut accepter ou refuser)
- Interdiction de séjour ou de paraître (lieu précis ou large, maximum de 6 mois)
- Interdiction de contact (victime, complice, maximum de 6 mois)
- Versement d'une contribution citoyenne (association d'aide aux victimes, maximum de 3000€)
- Mais aussi : médiation pénale, "dessaisissement" de votre téléphone si vous avez refusé d'en donne le code par exemple...
La proposition peut être un panaché de tout ceci.
Focus sur l'avertissement pénal probatoire
L'avertissement pénal probatoire a remplacé le rappel à la loi en janvier 2023.
La notification de l'APP se fait seulement par lae procureur·e ou son/sa représentent·e. Iel va convoquer lae mis·e en cause pour lui dire que ce qu'iel a fait, ce n'est pas bien, puis lui mettre la pression pour accepter l'avertissement. Ne pas signer l'APP ne mettra pas lae rebelle en garde à vue ou autre...
Ce n'est pas une condamnation et cela n'apparaît pas dans le casier judiciaire. L'avertissement apparaît cependant dans le TAJ.
Il est obligatoire de signer une reconnaissance de culpabilité si on accepte cette alternative. Cet élément est à prendre en compte dans une démarche de défense collective.
Il est possible pendant 2 ans ensuite, pour le parquet, de rouvrir les poursuites, cette réouverture est automatique si il y a réitération des faits. En pratique, si la même infraction est commise moins de deux ans après l'APP, lae rebelle sera jugé·e pour les deux infractions. Ce délai est porté à 1 an pour ce qui est contraventionnel.
On ne peut pas proposer d'APP à des personnes ayant déjà été condamnées ou pour des délits de violences.
Il peut y avoir des réparations civiles à côté.
Doit-on accepter une alternative aux poursuites ?
Il n'y a pas de réponse ferme et définitive, cela dépendra de chacune des situations. Il est important de réfléchir collectivement aux suites à donner aux APP.
Pourquoi on pourrait accepter ?
- Mettre fin à une procédure qui peut être longue, chronophage et potentiellement couteuse
- Le coût des alternatives est (pour l'instant) souvent modeste peut être assumé par le mouvement
- Cela évite de risquer une mention au casier judiciaire
Pourquoi on pourrait ne pas accepter ?
- Ne pas accepter la dépolitisation des actions et la répression qui s'en suit (reconnaître une petite infraction annexe sans même mentionner le fond de l'action)
- Avoir accès au dossier d'accusation (au stade des alternatives, on a pas accès au dossier, on ne sait pas quelles preuves ont les FDO)
- Si on nous propose un APP, c'est peut être que le dossier n'est pas si solide que ça...
- Refuser collectivement des alternatives demande à la justice d'ouvrir un grand nombre de procédures contre des rebelles, peut être que la justice n'en a ni le temps ni l'envie
Infos supplémentaires ici (pour la partie plus procédurale) et ici (pour la partie plus militante).
La composition pénale
Cette procédure signifie que vous avez reconnu les faits, elle est applicable à certains délits et contraventions. Concrètement, vous recevez une proposition de sanction, et vous pouvez accepter, refuser ou demander un délai. Si vous refusez, le procureur peut décider d'engager des poursuites, c'est-à-dire de vous renvoyer devant un tribunal (ce n'est pas systématique). Cela n'apparaitra que sur le bulletin 1 de votre casier judiciaire. Les sanctions possibles sont une amende, la confiscation d'un objet (par exemple votre téléphone si vous avez refusé d'en donner le code), l'accomplissement de travaux d'intérêt général, d'un stage (payant), une interdiction de quitter le territoire ou de paraitre dans certains lieux... L'intérêt à accepter est que la sanction se veut plus légère, qu'elle n'est pas inscrite au bulletin 2 de votre casier, qu'elle ne peut pas être utilisée pour créer une récidive. L'intérêt à refuser est que les poursuites ne sont pas systématiques, et qu'il peut être plus pertinent de se défendre à l'occasion d'un procès. Plus d'infos et source ici.
L'amende forfaitaire
C'est une procédure accélérée, qui permet de prononcer une condamnation sans passer par un.e magistrat.e. Concrètement, cela concerne certaines infractions pour lesquelles il a été prévu qu'un.e policier.e puisse vous sanctionner avec une somme d'argent d'un montant pré-déterminé par la loi. Ce montant est largement inférieur aux peines maximales encourues, pour les infractions contraventionnelles qui nous concernent il est généralement de 135 euros. C'est ce type de procédure que vous recevez lorsque vous faites un excès de vitesse en voiture.
Cette amende peut être "contraventionnelle" ou "délictuelle". Si elle est contraventionnelle, ne payez pas immédiatement, demandez-vous d'abord si vous souhaitez la contester ou non. Si vous contestez, vous devez motiver la contestation, et le procureur pourra alors soit renoncer à la contestation, soit choisir une alternative aux poursuites, soit vous poursuivre devant un tribunal de police. Contester vous permet de refuser une justice qui condamne sans procès, de demander à ce que la peine soit allégée selon votre situation personnelle, de remobiliser autour de votre action, de vous défendre. Vous prenez néanmoins le risque que la peine soit plus lourde (la peine maximale théorique possible est de 1500 euros d'amende, pas de peine de prison possible) et de vous engager dans une procédure un peu coûteuse (en temps, énergie, et possiblement finance si vous sollicitez un.e avocat.e). Une amende pour une contravention n'apparait pas dans le bulletin 2 de votre casier judiciaire (celui qui peut être consulté pour l'accès à certains métiers sensibles).
Attention, si cette amende forfaitaire est "délictuelle", c'est plus problématique, ne payez pas immédiatement et contactez absolument le groupe @support_juridique sur la base, on a besoin de retour d'expérience là-dessus ! Vous pouvez aussi trouver des informations ici.
L'ordonnance pénale
C'est une procédure accélérée, qui permet de condamner sans possibilité de vous défendre. Concrètement, un.e juge décide d'une peine (qui peut essentiellement être une amende ne pouvant pas être supérieure à la peine encourue ni à 5000 euros). Si l'ordonnance pénale concerne une contravention, cela n'apparaitra pas sur le bulletin 2 de votre casier judiciaire. Si elle concerne un délit, cela y apparaitra. Vous pouvez la contester, et vous n'avez pas à motiver la contestation, il faut simplement indiquer votre identité, les références de votre dossier, et dire clairement que vous faites opposition (tout ça sera indiqué sur le papier que vous recevrez). Faire opposition signifie que vous allez vous retrouver devant un juge, pour un procès "classique" (à la différence de l'amende forfaitaire, où le procureur pouvait décider, au vu de votre contestation, de renoncer aux poursuites). Contester vous permet de refuser une justice qui condamne sans procès, de demander à ce que la peine soit allégée selon votre situation personnelle, de remobiliser autour de votre action, de vous défendre. Vous prenez néanmoins le risque que la peine soit plus lourde et de vous engager dans une procédure un peu coûteuse (en temps, énergie, et possiblement finance si vous sollicitez un.e avocat.e). Plus d'infos par ici (pour la partie procédurale) et ici (pour la partie plus militante).
La comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité
Cette procédure signifie que vous reconnaissiez votre culpabilité (eh oui, le nom était un indice :-o), elle est applicable à certains délits. Concrètement, le procureur va vous proposer une peine, qui peut être une peine de prison et/ou d'amende. Si vous acceptez, vous passerez devant un.e juge qui doit valider la proposition du procureur, sans pouvoir la modifier. Si vous refusez, vous serez renvoyé devant un tribunal pour un procès "classique". Vous pouvez aussi demander un délai de réflexion. En principe, la peine sera inscrite sur votre casier judiciaire (y compris bulletin 2). Plus d'infos par ici.
Le procès "classique"
Il se déroule devant un tribunal de police pour les contraventions ou un tribunal correctionnel pour les délits. Concrètement, les deux se ressemblent beaucoup, mais si vous vous retrouvez devant un tribunal de police, cela signifie que ce pour quoi vous êtes poursuivi est moins grave, et vous ne risquez donc pas de peines privatives de liberté. Vous aurez la possibilité d'accéder à votre dossier et de vous défendre.
Petit point de défense collective
Nous encourageons fortement la contestation systématique des amendes forfaitaires contraventionnelles et des ordonnances pénales, ainsi que le refus des comparutions sur reconnaissance préalable de culpabilité et des compositions pénales (avec demande de délai en cas de déferrement cependant, voir ici).
Pourquoi ?
- Toutes ces procédures correspondent à des condamnations qui ont le même effet que si vous étiez passé devant un juge, mais sans être passé.e devant un juge (oups). Elles sont inscrites sur votre casier judiciaire.
- Même si elles sont présentées comme plus faibles que des peines éventuellement prononcées en cas de procès, nous considérons que les peines prononcées par un juge restent relativement faibles : il n'est donc pas évident que ces propositions soient avantageuses. Cela étant dit, ces solutions peuvent être avantageuses pour nous par rapport à la charge mentale sur le temps long et les ressources à mobiliser en cas de procès - procès qui peut avoir lieu plusieurs années plus tard.
- Nos actions s'inscrivent dans une démarche politique et la répression de nos actions dans des bureaux fermés dépolitise notre démarche en empêchant d'utiliser les procès comme une tribune publique.
Cela implique aussi que nous conseillons de refuser collectivement les alternatives aux poursuites. Cependant, à la différence des amendes forfaitaires et des ordonnances pénales, nous considérons que les accepter peut avoir un intérêt pour certains types de personnes, en particulier si elles savent qu'elles ne vont pas refaire d'actions (puisque les poursuites sont en principe rouvertes en cas de nouvelle infraction) et veulent garder un casier judiciaire vierge / ne pas se retrouver confronté à un procès dans un délai inconnu par exemple.
Quel rapport aux avocat.e.s ?
Nous sommes un mouvement de désobéissance civile, ce qui implique que nous soyons régulièrement confrontés à la justice. Nous considérons que cette confrontation avec la justice est un enjeu politique que nous devons penser dans un cadre militant et non exclusivement juridique. Collectivement, nous sommes capables de réfléchir par nous mêmes pour faire nos propres choix de défense.
Cela ne signifie pas que nous pensons que les avocat.e.s sont de mauvais conseil, mais simplement qu'il ne faut pas perdre de vue que nos actions sont politiques et que leur défense ne peut donc pas relever que d'une approche juridique technique.
Par conséquent, nous pensons qu'il faut être vigilants à un certain nombre de points :
- En premier, parce que sans ça les points suivants sont inutiles : comprendre ce que font les avocat.e.s -> ça peut sembler compliqué parce que la justice aime bien utiliser des mots compliqués pour dire des choses simples, mais ça reste des choses tout à fait compréhensible dès lors qu'on demande des explications !
- Ne pas partir du principe que, parce que c'est leur travail, iels savent forcément mieux que vous quelle est la défense la plus appropriée : ce n'est pas parce qu'iels disposent de connaissances techniques qu'iels savent ce que nous souhaitons faire valoir politiquement. Autrement dit, il ne faut pas hésiter à leur dire lorsque ce qu'iels ont l'intention de faire ne nous convient pas.
- Lorsqu'iels donnent des conseils (en particulier avant des actions), faire très attention à distinguer ce qui relève d'informations strictement juridiques et ce qui relève de leur point de vue sur la pertinence de l'action. Ce point est particulièrement important lorsque vous êtes avec des avocat.e.s militant.e.s qui ont une opinion politique sur nos actions et leur défense.
Autre point qui peut poser question : lors des procès, les juges posent des questions sur la "personnalité" (c'est-à-dire sur votre situation personnelle, si vous êtes célibataire, si vous travaillez...) Il y a différentes positions à cet égard, certaines personnes considèrent qu'il vaut mieux utiliser le fait qu'on soit bien intégré.e.s et que cela permet de montrer ce qui nous a mené à la désobéissance civile (manque d'efficacité d'autres modes d'action), d'autres considèrent qu'il ne vaut mieux pas y répondre car cette individualisation des peines participe d'une justice de classe. Quelle que soit la position choisie (nous n'en conseillons pas une en particulier), il est bien d'avoir conscience de ce que cela implique afin de ne pas se contenter de suivre le conseil de l'avocat.e sans en connaître les raisons.
Un commentaire
Partie "être déféré" à revoir. Besoin de l'aide de l'équipe juridique pour mieux séparer ce qui peut arriver juste après la GAV et ce qui peut arriver après une convocation, et peut-être supprimer certaines redondances (notamment sur l'ordonnance pénale, pas clair).