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Perquisition

Une perquisition consiste pour les forces de l'ordre (ci-après "FDO") à rentrer chez vous / là où vous travaillez / votre voiture pour y récupérer des éléments sur une enquête en cours. Dans ce contexte, les FDO cherchent à récupérer un maximum de preuves, sur lesquelles la justice pourra s'appuyer pour vous condamner.

À partir du moment où vous avez un lien avec une action (en tant que participant.e ou organisateurice, typiquement) au cours de laquelle a eu lieu un délit qui pourrait vous être reproché, à tort ou à raison, vous risquez une perquisition. Il s'agit d'une menace que nous connaissons moins que les gardes-à-vue (ci-après "GAV"), et pour laquelle une bonne préparation est une parade très efficace.

A. Quand ?

En ce qui nous concerne, il y a trois cas généraux : tous ont eu lieu dans XR en 2023, pour des faits qui n'étaient pas d'une gravité exceptionnelle.

- Vous êtes en action, les FDO vous interpellent et vous placent en GAV. Au cours de votre GAV, ielles vous emmènent jusqu'à votre domicile pour effectuer une perquisition. Vous serez très certainement menotée pendant cette perquisition. Vous retournez ensuite au poste pour la suite de votre GAV.

- Après une action vous recevez une convocation pour audition libre. Cette audition libre se transforme en GAV, et au cours de la GAV vous subissez une perquisition.

- Les FDO se pointent chez vous au petit matin (généralement entre 6h et 8h) et perquisitionnent votre domicile, avec plus ou moins de douceur, selon les circonstances. Cela s'enchaîne généralement avec votre placement en GAV. 

Un cas pas connu chez XR mais qui n'est pas à exclure : une perquisition et GAV avant une action / un évenement (ça s'est vu pour la COP21, à voir pour les JO notamment...)


B. Cadre législatif

Compte tenu de son caractère hautement attentatoire à votre vie privée, la perquisition est strictement encadrée. Elle suit des règles différentes selon que les FDO agissent dans le cadre d'une enquête de flagrance (c'est-à-dire juste après la constatation d'une infraction), une enquête préliminaire (les autres enquêtes de police) ou d'une instruction (lorsqu'un.e juge d'instruction a demandé aux FDO d'effectuer une perquisition). 

Les FDO peuvent perquisitionner sans l'accord d'un.e juge pendant les 8 jours après l'infraction (délai qui peut être prolongé à 16 jours si le délit est puni d'une peine de 5 ans ou plus). C'est donc la période dans laquelle la perquisition est la plus probable. Néanmoins, il est aussi tout à fait possible qu'une perquisition ait lieu passé ce délai.

À noter : sans cette autorisation, les FDO auront besoin de votre accord pour effectuer la perquisition. Dès lors, s'ielles sonnent à votre porte et vous demandent d'entrer, vous avez tout à fait le droit de le refuser, à charge pour elleux de vous justifier d'un motif permettant de passer outre votre refus. 

Pour la voiture, ielles peuvent fouiller sans autorisation d'un juge même en dehors des cas évoqués, il faut donc être particulièrement vigilant.

Lors d'une perquisition vous devez être présent.e, ou une autre personne désignée par vous, ou deux personnes désignées par l'officier de police ou de gendarmerie responsable de la perquistion.

En principe, la perquisition ne peut commencer qu'entre 6h et 21h. Si elle commence avant 21h, elle peut se prolonger au-delà de cet horaire.

C. Qu'est-ce qui peut être saisi ?

Les objets saisis doivent être en rapport avec les faits. Sont donc particulièrement recherchés les objets liés à l'action (vêtement porté le jour J, pochoir ou pince monseigneur, par exemple). Votre matériel informatique (téléphone, appareil photo, carte mémoire, ordinateur, etc.) peut avoir été utilisé dans le cadre des faits qui vous sont reporchés. C'est très souvent ce matériel et les vêtements portés lors d'une action qui sont visés lors d'une perquisition. 

Peuvent également être saisis n'importe quels objets illégaux que vous auriez chez vous (drogue par exemple, ou pizza hawaïenne, la pizza hawaïenne étant en soi un crime). Notez que les masques à gaz peuvent être considérés comme une arme et embarqués.

Les FDO s'intéressent également à tout ce qui témoigne du fait que vous êtes militant.e.s (tee-shirts xr trop stylés, affiches, tracts, livres militants, stickers). Ce sont des objets moins compromettants qu'un tube de mousse expansive à moitié entamé, mais sachez que ce sont des objets qui sont souvent saisis.

Les objets saisis ne vous sont pas forcément restitués, ou bien longtemps après leur saisir (des années après).

D. Comment se préparer à une perquisition ?

1. Physiquement
Si les FDO vous perquisitionnent, c'est principalement pour chercher des preuves qui serviront à vous faire condamner. Évitez donc d'en avoir. Ne pas créer de traces physiques d'un délit reste la meilleure des solutions, mais si vous devez prendre des notes ou garder des objets compromettants chez vous, débarassez-vous en le plus rapidement possible. Quand vous quittez votre domicile pour une action, demandez-vous ce qui se passerait si vous y revenez avec les FDOs.

Exemple : on ne conserve pas la bombe de tag de notre première action, même si ça fait une jolie décoration oh ;-)


2. Relationnellement

Votre maison/appartement peut être perquisitionné dans son entièreté, même si vous vivez avec d'autres personnes. Leurs espaces personnels ont de fortes chances d'être également concernés par la recherche des FDO. De même, les caves et greniers ne sont pas exempts. Les granges, garages, et autres abris non plus. En théorie, tout peut être passé au peigne fin. Donc à moins de creuser une cache secrète à 150m sous terre accessible par une trappe cachée sous le poulaillier, partez du principe que tout peut être trouvé, et ne conservez rien.

Puisque la perquisition arrive de manière soudaine, il parait intéressant de discuter de cette éventualité en amont avec vos proches et les personnes qui vivent avec vous. Prévenez-les et discutez de la manière dont vous souhaitez réagir collectivement. Des cas extrêmes sont possibles : vos enfants assisteront peut-être à des scènes de violence très dures (du type plaquage au sol et armes de guerre chargées pointées contre votre tête, comme lors d'une des perquisitions "Lafarge" en 2023). Si ces personnes sont prévenu.es en avance, cela sera peut-être un tout petit peu moins dur à vivre. 


3. Informatiquement
En règle générale, les FDO s'intéressent moins à votre journal intime qu'à votre matériel informatique. Si vous ne prenez pas garde, votre téléphone et votre ordinateur permetteront à vos adversaires de vous faire condamner, ainsi que vos camardes. Pour nous protéger collectivement, nous faisons l'effort d'adopter des bonnes pratiques en matière de sécurité numérique.

Votre matériel sera emmené par les FDO afin que leurs équipes de cybersécurité les analysent et en tirent les données qu'ielles souhaitent. Comme dans le monde physique : effacez les informations compromettantes dès que possible, et surtout AVANT une action. Une fois en GAV, il sera déjà trop tard pour le faire : mieux vaut prendre de bonnes habitudes que de voir les FDOs récupérer les numéros de téléphone de tout un GL.

Les mesures à prendre ne sont pas d'une grande complexité, et vous les connaissez sans doute déjà. Avant une action et avant le dodo : déconnectez-vous de tous vos comptes (Mattermost, Base, adresse mail militante), éteignez vos appareils (qui ont tous des mots de passe autres que "1234", n'est-ce-pas ?).

Et pendant qu'on y est, c'est cadeau de notre part : quelques ressources pour sécuriser votre téléphone : https://wiki.extinctionrebellion.fr/books/securite-militante-ql8/chapter/securiser-son-telephone ; et votre ordinateur : https://wiki.extinctionrebellion.fr/books/securite-militante-ql8/chapter/securiser-son-ordinateur

Il faut garder en tête que refuser de donner son code de dévérouillage peut être un délit. Dès lors, soit vos appareils numériques sont totalement cryptés et vous refusez d'en donner le code -> les FDO sera normalement dans l'impossibilité d'accéder à vos données, mais vous risquez d'aggraver votre situation. Soit vous faites en sorte que votre ordinateur / téléphone soit toujours propre et vous donnez votre code avec un grand sourire. À vous de voir.

Notez également qu'en général un matériel informatique qui a été saisi une fois est considéré comme potentiellement inflitré par les FDO, et donc incompatible avec des activités militantes illégales.

Exemple : vous avez Signal sur votre ordinateur. En l'allumant l'ouvrez à 6h03, vous avez un message éphémère 8h d'un collègue vous dit une dinguerie qui l'incrimine pour une action qui a eu lieu il y trois jours. Et là, paf !, qui voilà mais les FDO qui arrivent, ne vous laissent pas le temps de vous faire un café, et prennent l'ordi. Et quelques heures plus tard ielles sont ravi de noter cette info.

4. Mentalement
Une rencontre avec les FDO n'est jamais facile. Une rencontre inattendue avec les FDO, devant vos proches et vos voisins ? Encore moins. Comme pour la GAV, préparez-vous mentalement, en écoutant les expériences d'autres personnes, en regardant des témoignages sur les réseaux, et en lisant... ce wiki ;-)

Une avocate nous l'a dit : pour une perquisition on est jamais vraiment préparé.e, c'est toujours un choc. La perquisition est d'autant plus difficile à vivre qu'elle rentre dans votre intimité, dans votre chez-vous, dans cet espace qui vous paraissait sécurisé. Vous pouvez vous retrouver menotté.e devant votre amoureux.se, devant votre voisin.e qui va vous considérer comme un.e ecoterroriste, et voir votre chambre retournée sans dessus-dessous par des FDO. Mais il n'y a pas de règle : il peut également y avoir des moments comiques et des perquisitions assez peu tendues (surtout lorsqu'il n'est pas question d'armes ou de violence de notre côté).

Suite à une perquisition, un syndrome de stress permanent ou post-traumatique peut apparaitre. Si vous sentez que c'est une crainte, anticipez et parlez-en autour de vous. Établir des protocoles et des manières collectives de réagir est une bonne façon de prendre soin de nous-mêmes. Cela étant dit, nous avons toustes des approches différentes des risques : ne jugez pas vos camarades, et faites ce qui est le mieux pour vous.


5. Au niveau de notre / nos orga(s)

Extinction Rebellion sera toujours là pour vous soutenir, avec notamment le GST Juridique qui sert de "légal team" à XR. Mais c'est sans doute votre groupe local et encore plus votre groupe affinitaire (formalisé ou non, vos potos quoi) qui feront ce qu'il faut pour vous soutenir pendant et après une perquisition. En tant que membre d'XR, d'un GL, d'un groupe affinitaire ou de tout autre orga : organisez-vous collectivement pour décider des manière dont vous pouvez réagir.

Quelques pistes vous sont données dans ce wiki : notez par exemple que certains groupes ont mis en place une Base Arrière Juridique (BAJ) permanente. C'est une BAJ dont le numéro est constamment actif, 24h/24h, et ce rôle est tenu par un.e rebelle volontaire qui se balade avec le téléphone de BAJ partout. Ce numéro doit être communiqué à votre contact proche, dont vous devez connaitre le numéro par cœur. En effet, vous n'aurez pas le temps de le noter quand vous serez réveillé.e à 6h du matin par des FDO encagoulé.es... Ce proche doit être au courant qu'iel est joignable à tout moment, en cas de perquisition. Ce dispositif permet à votre GL d'être au courant qu'il s'est passé quelque chose, de demander la désactivation de vos comptes et de venir vous soutenir à votre sortie de GAV. Le rôle de BAJ permanente sera généralement tenu pendant une durée limitée, par exemple un trimestre.


E. Comment réagir à une perquisition ?

La perquisition, on réagit avant : au moment de la perquisition, c'est déjà trop tard.

1. Vous êtes perquisitionné.e

Si vous n'êtes pas habillé.e, normalement les FDO vous laisseront vous habiller (mais en vous surveillant :-/).

Sur le moment, vous n'aurez pas d'autre choix que de suivre les directives des FDO. Courage, ça ne dure qu'un temps et après cette épreuve on sera là pour vous soutenir. Ça parait long, humiliant et pénible ? D'autres militant.es sont passé.es par là, d'autres y passeront : comme elleux, tenter d'endurer et de trouver en vous-même du courage.

Comme c'est leur métier, les FDO savent où chercher. Vous voulez tenter de cacher des choses ? On vous aime beaucoup, mais on parie sur l'équipe d'en face : si ielles veuelent, ielles trouveront. Dans certains cas, il est arrivé que des personnes voient arriver les FDO et réinitialisent leur tel (i.e. détruisent toutes les données), mais franchement ne comptez pas trop dessus.

Pendant la perquisition vous n'avez pas le droit à un.e avocat.e, il convient donc d'être particulièrement prudent.e. Des questions peuvent vous être posées pendant la perquisition. Même si vous êtes chez vous et que vous pouvez vous sentir plus rassuré.e, gardez en tête que ce vous dites sera retenu, donc comportez vous exactement de la même manière que dans tout autre contexte avec les FDO.

Le conseil général est de ne répondre à aucune de leurs questions et de garder le silence. Il ne s'agit pas d'une faveur qu'on vous accorde ou non : c'est très strictement votre droit. Si cela vous sécurise, un conseil est de commencer par dire explicitement et calmement que vous utiliserez ce droit et ne répondrez pas. Si des paroles vous échappent, ne culpabiliser pas : il n'y pas de militant.es parfait.e, et nous gérons les situations comme nous le pouvons.

Durant toute la perquisition, regardez bien ce qu'ielles font et prennent. Si vous êtes seul.e, cela peut être impossible si ielles cherchent à plusieurs endroits en même temps, mais tentez quand même. Cela vous permet de ne pas perdre totalement le contrôle de la situation, et vous permet d'anticiper la suite si vous arrivez à comprendre quels types de preuves ielles cherchent.

2. Un.e proche / une personne du GL est perquisitionné.e
Si quelqu'un.e de vote GL est perquisitionné.e, il est trop tard pour supprimer ce qu'il y a sur son matériel informatique ou dans son habitation. Néanmoins, il est possible que votre tour vienne assez vite, donc protégez-vous en supprimant tout ce qui est supprimable de votre côté.

Par prudence, faites suspendre les comptes de cette personnes sur la Base et sur Mattermost. Sur Signal, Telegram et Mattermost, il n'est pas inutile de retirer la personne de boucles et de canaux particulièrement compromettants où les nouveaux messages ou l'historique pourraient intéresser les FDO.

Dans certains cas de GAV, une contre-perquisition préventive XR est possible : un.e proche (coloc, conjoint.e) d'un.e rebelle en gàv peuvent vous permettre de rentrer dans un appartement et le nettoyer, notamment en emportant un ordinateur vers un lieu safe. Il y a eu un cas où un conjoint a pu effacer à distance le contenu du téléphone d'une personne en gav. Et ouais c'est beau l'amour.

N'abandonnez pas la personne sous un prétexte de sécurité. Il y a des risques (notamment de fichage) à être identifié.es comme proches de la personne, mais ce sont généralement des risques limités - et comme les actions d'XR sont à visage découvert, les FDO qui le souhaitent savent sans doute déjà qui fait partie de votre GL. Choisissez comment gérer ce risque, mais assurez-vous qu'on aille la soutenir, faites une belle GAV'up avec des gâteaux, celle que l'on promet souvent et que l'on a rarement. Il s'est passé quelque chose de dur, d'injuste, d'exceptionnel : faites les gâteaux, faites même une pizza hawaïenne s'il le faut. Et soyez là.

E. Après une perquisition

1. Tu as été perquisitionné.e
Prends soin de toi, s'il-te-plait. Repose-toi. L'action à laquelle tu as participé était juste et courageuse, et tu as subi quelque chose de désagréable en retour. Ce n'est pas rien. N'hésite pas à confier tes responsabilités à d'autres pendant un temps si tu as besoin de souffler. 

Quand tu le peux, donne les informations qui ont été prises par les FDO à ton GL et au GST Juridique pour permettre aux autres rebelles de te soutenir pour la suite, mais aussi d'anticiper d'éventuelles autres perquisitions, et de sortir du flou de "il y a eu perquiz mais on sait pas où, quand, pour quoi..." qui donne lieu à des rumeurs.

Tes camarades voudront t'aider, mais ne sauront pas toustes comment faire ou si c'est ok de te contacter : tu as le droit de demander du soutien, et d'expliquer commet tu veux qu'on s'occupe de toi. Et c'est possible que ce soit relou pour toi de devoir expliquer. En-dehors de ton GL, l'écoute active rebelle est là pour te soutenir.


2. Ton proche / quelqu'un.e de ton GL est perquisitionné.e

Ne lâche pas un.e rebelle perquisitionné.e sous prétexte de ta sécurité / celles des autres rebelles, merci d'avance. Soyons safe, mais soyons là les un.es pour les autres. Rassure lae rebelle concerné.e que tu ne vas pas te détourner d'ielle. Même s'ielle a manqué de prudence, ce qui est arrivé n'est pas de sa faute, et nous serons toustes là pour la suite.

Parmi les choses que tu peux faire : propose d'aider à ranger l'appartement, peut-être même avant le retour de la personne. Propose de l'héberger, ou de dormir chez elle. Propose des options à la personne et à ses proches. Montrez que le GL est là et qu'on ne va pas partir et abandonner des rebelles. Un GL, ce n'est pas que des actions : on met pas à la personne la pression de repartir en action, on lui permet de faire avec les autres des trucs informels et de voir du monde.

Il arrive qu'après une perquisition, un contrôle judiciaire soit mis en place et que certain.es rebelles ne puissent plus en voir d'autres. Prenez ça en compte dans votre organisation, adaptez-vous pour inclure tout le monde. Des stratégues existent pour contourner ces mesures.

Il arrive que les proches d'une personne perquisitionnée soient très affectées par la perquisititon : tu es peut-être ce proche. Le "traumatisme indirect" est un phénomène bien retors, puisqu'on peut se dire que c'est plus dur pour la personne concernée directement que pour soi. Mais il n'y a pas de compétition dans la souffrance, tout le monde qui en a besoin mérite du soin.

F. Plus d'infos ?

Plus d'infos par ici. Si vous avez des questions, n'hésitez pas à contacter le GST Juridique sur la base ou sur Mattermost.

On se quitte avec une anectode qui fait plaisir : lors d'une perquisition à Bure, on a entendu des FDO dire "oh ça sert à rien de prendre le matos informatique, ielles font tout sur Tails" [Tails est un équipement informatique un peu avancé qui permet d'utiliser un ordinateur sans laisser de traces, pour te la faire courte]. Nous on dit : cheh.