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Lignes de défense collective

Tout d'abord, quelques remarques :

  • Ce document vise à récapituler les conseils du groupe juridique national face à la police/justice. Il ne s'agit pas d'une description détaillée des procédures et de nos droits, mais de revenir sur les comportements conseillés lorsque nous avons des choix à faire dans une optique de défense collective et politique. Ils sont destinés à être communiqués aux avocat.e.s avec lesquels vous travaillez, afin qu'iels ne donnent pas des conseils différents en garde à vue par exemple.
  • Ces conseils, comme leur nom l'indique, sont des "conseils". Il vous est évidemment tout à fait possible de choisir des consensus différents (en particulier sur donner ou non son identité ou ses empreintes)
  • Dans tous les cas, n'hésitez pas à contacter @support_juridique sur la base pour toute question/remarque !

1. Garder le silence

C'est le conseil principal qui est systématiquement donné et qui s'applique en toutes circonstances au moment de l'enquête + en cas de déferrement devant le procureur / devant un.e délégué.e du procureur pour des alternatives aux poursuites etc.

Pourquoi ? pour ne pas faciliter la tâche des FDO, pour ne pas s'entre-dénoncer ; parce que justifier nos actions devant un.e agent.e n'est pas une revendication publique qui peut avoir une portée politique ; parce que tous les milieux militants donnent cette consigne ; parce que de toutes façons c'est un droit ; parce que ça nous protège ; parce que c'est un consensus collectif simple que l'on soit nouvelleaux ou non..

2. Refuser la prise d'ADN 

Cela reste quand même un choix individuel (ça a moins d'implication pour les autres que de se taire ou non en audition, et c'est une infraction).

Pourquoi ?

  • parce qu'XR s'inscrit de manière plus large dans un mouvement social qui lutte contre le fichage et incite tous les militant.e.s à refuser
  • parce que l'ADN c'est particulièrement intrusif
  • parce qu'on considère que les risques à refuser sont limités (cf cette page, dans l'encadré du bas sur la jurisprudence)

3. Pour les infractions de faible gravité, refuser la prise d'empreintes 

Ça reste un choix individuel, mais on souhaite inciter les personnes pas encore fichées à refuser les relevés d'empreintes / la signalétique pour les actions à faible risques (grosso modo, quand les peines encourues sont inférieures à trois ans de prison, ce qui exclut la dégradation en réunion, et à plus forte raison si les personnes étaient à visage découvert). Attention cependant, on n'a pas encore l'habitude de faire ça, il faut veiller à ce que les personnes qui le refusent soient formé.e.s / aient conscience des risques.

Pourquoi ? pour les mêmes raisons de lutte contre le fichage que pour l'ADN, mais les risques sont un peu plus élevés (une décision récente a néanmoins rendu cela un peu plus facile d'où la recommandation de ne plus les donner, c.f. cette page toujours).

4. Refuser de donner ses codes (téléphone ou autre), sauf téléphone / autre parfaitement propre

Évidemment, la ligne principale est de ne JAMAIS avoir de téléphone sur soi en action car cela met en danger la personne interpellée mais également tout le mouvement : il faut donc absolument organiser les actions pour qu'aucun téléphone ne se trouve en action et pour que même chez vous vos outils numériques soient propres, mais on ne va pas s'étendre là-dessus ici. On parle en effet du cas qui ne devrait pas arriver mais qui malheureusement arrive parfois, où pour une raison x ou y vous avez votre téléphone avec vous, ou lorsqu'il y a une perquisition. À noter quand même (encore une fois, mieux vaut ne pas avoir son téléphone avec soi) que même si vous refusez de donner votre code, les FDOs peuvent réussir à accéder au contenu.

Pourquoi ? parce qu'on estime que les risques à donner (s'incriminer soi-même et tous les autres, donner des renseignements confidentiels sur ce qu'il se passe dans le mouvement ou les personnes actives...) sont supérieurs aux risques à ne pas donner.

5. En cas de déferrement, gagner du temps

Lors d'un déferrement, plusieurs options peuvent se présenter. On conseille de demander le renvoi en cas de comparution immédiate et de demander un délai de réflexion en cas de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ou de composition pénale.

Pourquoi ? parce qu'on souhaite utiliser la justice comme une tribune politique et que les procédures d'urgences ne le permettent pas ; parce que sur le principe les procédures d'urgence c'est pas chouette ; pour que les personnes puissent réfléchir/se défendre sereinement ; parce qu'on considère que le risque de détention provisoire est faible dans nos situations...

6. Pour l'enquête sociale en cas de déferrement, donner le minimum d'informations

Pour rappel, l'enquête sociale est le moment où une personne (un enquêteur.ice social.e, qui n'est pas un policier mais souvent une association qui travaille pour le tribunal) vous pose des questions pour déterminer votre situation personnelle et aider les magistrats à prendre des décisions à votre encontre (vous mettre un contrôle judiciaire, vous placer en détention provisoire, moduler le montant de l'amende...). Afin de laisser le choix aux personnes lors de l'audience de donner ou non des informations sur leur personnalité, nous souhaitons nous contenter au moment du déferrement de donner le minimum (profession/logement, à voir selon la situation bien sûr) pour éviter un contrôle judiciaire / détention provisoire, mais rien de plus.

Pourquoi ? sachant qu'il y a débat politique sur l'intérêt de donner des informations personnelles à la justice (utiliser le fait qu'on soit généralement bien intégrés pour se défendre v.s. refuser de jouer ce jeu là, pour le dire vite) nous souhaitons laisser aux personnes la possibilité d'y réfléchir tranquillement, et donc de se contenter de donner le minimum à ce stade.

7. Contestation systématique et recherche du procès

Nous encourageons fortement la contestation systématique des amendes forfaitaires contraventionnelles et des ordonnances pénales, ainsi que le refus des comparutions sur reconnaissance préalable de culpabilité et des compositions pénales (avec demande de délai en cas de déferrement cependant, voir plus haut).

Pourquoi ?

  • Toutes ces procédures correspondent à des condamnations qui ont le même effet que si vous étiez passé devant un juge, mais sans être passé.e devant un juge (oups). Elles sont inscrites sur votre casier judiciaire
  • Même si elles sont présentées comme plus faibles que des peines éventuellement prononcées en cas de procès, nous considérons que les peines prononcées par un juge restent relativement faibles : il n'est donc pas évident que ces propositions soient avantageuses. Cela étant dit, ces solutions peuvent être avantageuses pour nous par rapport à la charge mentale sur le temps long et les ressources à mobiliser en cas de procès - procès qui peut avoir lieu plusieurs années plus tard
  • Nos actions s'inscrivent dans une démarche politique et la répression de nos actions dans des bureaux fermés dépolitise notre démarche en empêchant d'utiliser les procès comme une tribune publique

Cela implique aussi que nous conseillons de refuser collectivement les alternatives aux poursuites. Cependant, à la différence des amendes forfaitaires et des ordonnances pénales, nous considérons que les accepter peut avoir un intérêt pour certains types de personnes (plus de détails sur cette page), en particulier si elles savent qu'elles ne vont pas refaire d'actions (puisque les poursuites sont en principe rouvertes en cas de nouvelle infraction) et veulent garder un casier judiciaire vierge / ne pas se retrouver confronté à un procès dans un délai inconnu par exemple.

8. Donner son identité ou non

Il peut être intéressant de refuser de donner notre identité jusqu'en garde à vue, en particulier sur des actions massives impliquant un risque d'amendes forfaitaires (qu'il leur est très facile de mettre avec nos identités, et très coûteuses pour nous ensuite).

De manière générale, il est donc conseillé de refuser de donner son identité dès qu'il y a un certain nombre de participant.e.s (pour donner un ordre d'idée, disons à partir d'une dizaine).

Il faut tout de même noter que, même si ce refus de donner notre identité n'est pas une infraction (y compris pendant la vérification d'identité, et même en garde à vue), cela peut jouer en notre défaveur et les inciter à nous mettre en garde à vue tout de même, sur un autre motif. Le refus de donner ses empreintes en vérification d'identité est aussi une raison facile de nous mettre en garde à vue.

Refuser de donner son identité une fois en garde à vue, même si ce n'est encore une fois pas un délit, reste une stratégie risquée. En effet, cela augmente le risque de déferrement (puisqu'on n'a pas votre nom/adresse pour vous convoquer une prochaine fois, autant vous juger de suite) et de détention provisoire si vous refusez encore de donner votre identité une fois déferré.e. Nous déconseillons donc cette option.

9. Procès et éléments de personnalité

Lors des procès, les juges posent des questions sur la "personnalité" (c'est-à-dire sur votre situation personnelle, si vous êtes célibataire, si vous travaillez...) Il y a différentes positions à cet égard, certaines personnes considèrent qu'il vaut mieux utiliser le fait qu'on soit bien intégré.e.s et que cela permet de montrer ce qui nous a mené à la désobéissance civile (manque d'efficacité d'autres modes d'action), d'autres considèrent qu'il ne vaut mieux pas y répondre car cette individualisation des peines participe d'une justice de classe. Quelle que soit la position choisie (nous n'en conseillons pas une en particulier), il est bien d'avoir conscience de ce que cela implique afin de ne pas se contenter de suivre le conseil de l'avocat.e sans en connaître les raisons.

Une multiplicité de positionnement est possible, ne se limitant pas à "répondre à toutes les questions" ou "ne répondre à rien". Il est ainsi tout à fait envisageable de faire une déclaration au lieu de répondre aux questions (ce qui permet de garder le contrôle de ce qu'on va dire), de ne répondre qu'à certaines questions, ou par exemple de ne répondre qu'au minimum pour les personnes qui veulent éviter que la peine éventuelle se retrouve sur leur casier judiciaire.

Et pour finir... rapport aux avocat.es :

Nous sommes un mouvement de désobéissance civile, ce qui implique que nous soyons régulièrement confrontés à la justice. Nous considérons que cette confrontation avec la justice est un enjeu politique que nous devons penser dans un cadre militant et non exclusivement juridique. Collectivement, nous sommes capables de réfléchir par nous mêmes pour faire nos propres choix de défense.

Cela ne signifie pas que nous pensons que les avocat.e.s sont de mauvais conseil, mais simplement qu'il ne faut pas perdre de vue que nos actions sont politiques et que leur défense ne peut donc pas relever que d'une approche juridique technique.

Par conséquent, nous pensons qu'il faut être vigilants à un certain nombre de points :

  • En premier, parce que sans ça les points suivants sont inutiles : comprendre ce que font les avocat.e.s -> ça peut sembler compliqué parce que la justice aime bien utiliser des mots compliqués pour dire des choses simples, mais ça reste des choses tout à fait compréhensible dès lors qu'on demande des explications !
  • Ne pas partir du principe que, parce que c'est leur travail, iels savent forcément mieux que vous quelle est la défense la plus appropriée : ce n'est pas parce qu'iels disposent de connaissances techniques qu'iels savent ce que nous souhaitons faire valoir politiquement. Autrement dit, il ne faut pas hésiter à leur dire lorsque ce qu'iels ont l'intention de faire ne nous convient pas.
  • Lorsqu'iels donnent des conseils (en particulier avant des actions), faire très attention à distinguer ce qui relève d'informations strictement juridiques et ce qui relève de leur point de vue sur la pertinence de l'action. Ce point est particulièrement important lorsque vous êtes avec des avocat.e.s militant.e.s qui ont une opinion politique sur nos actions et leur défense.

Concernant l'appel aux avocat.e.s en garde à vue et les commis d'office :

  • Si les contraintes le permettent (si le GL a suffisamment de liens avec des avocat.e.s et que ceux-ci acceptent de faire des gav sans être payé.e.s), nous conseillons de faire appel systématiquement à des avocat.e.s désigné.e.s. L'intérêt est que les avocat.e.s fassent des observations écrites systématiques pour que le parquet local sache qu'on ne laisse pas passer des gav si facilement et qu'iels fassent attention à ce que l'on soit dans des conditions correctes.
  • Si les contraintes ne le permettent pas, nous conseillons de limiter l'appel avocat.e.s aux personnes qui en ressentent le besoin (fragilité quelconque, impression que qqch se passe mal...) Même si personne n'en ressent le besoin, il est bien qu'au moins une personne par commissariat fasse un appel pour récupérer des informations (et avoir un contact avec l'extérieur si l'avocat.e accepte de transmettre des informations).
  • Nous conseillons de prendre contact avec des avocat.e.s locaux qui ont l'habitude de travailler sur ces thématiques. Néanmoins, au stade de la garde à vue, il peut être plus simple (et normalement gratuit) de passer par des avocat.e.s commis.es d'office. Dans ce cas, il faut avoir une vigilance particulière aux points énoncés au-dessus, en prenant leurs conseils avec recul - non pas qu'iels ne soient pas compétent.e.s, mais iels n'ont pas l'habitude de notre contexte et ne connaissent pas nos stratégies. Sur des actions ouvertes en particulier, il faut donc bien préciser aux participant.e.s qu'il est possible que l'avocat.e leur recommande des choses contraires à ce qui a été dit au brief (par exemple parler en audition ou donner son ADN).
  • À partir du déferrement, nous conseillons un appel avocat.e systématique, commis.e d'office ou non. En effet, nous sommes généralement peu formé.e.s à ces procédures et leur présence peut devenir nécessaire (ne serait-ce que pour récupérer vos garanties de représentation).