L'enquête
L'enquête peut faire suite à une plainte, mais peut aussi avoir lieu même en l'absence de plainte. On n'en est pas nécessairement informé, et il faut donc considérer que n'importe quelle action peut donner lieu à une enquête, qu'il y ait eu une interpellation ou non.
Que peut faire la police ?
Cette page s'intéresse aux moyens de la police judiciaire pour vous poursuivre dans le cadre d'une enquête. Pour ce qui concerne les services de renseignement, il faut se référer à cette page.
Sur ce que peut faire la police en matière d'investigations numériques, on peut surtout noter cet article très complet disponible sur paris luttes info (notamment) : https://paris-luttes.info/fadettes-ufed-et-donnees-de-16236
Les techniques d'enquêtes classiques
Contrôler ou vérifier votre identité > on ne détaillera pas ici, cette page y est dédiée.
Vous mettre en garde à vue -> cette page y est dédiée. Il faut quand même noter qu'une garde à vue peut se terminer, puis reprendre un autre jour : ce qui compte, c'est qu'au total la durée de garde à vue ne peut pas être supérieure à 48h.
Vous auditionner en dehors d'une garde à vue (on parle d'audition libre) -> vous recevez un papier dans votre boite aux lettres (parfois par téléphone, exigez une convocation écrite). Vous êtes tenus de vous y rendre. Vous pouvez cependant négocier un changement de date ou d’horaire. Vous y allez seul ou avec un avocat. Théoriquement, vous pouvez quitter les lieux à tout moment. Le risque est néanmoins que cette audition se transforme en garde à vue, donc allez-y sans téléphone et en ayant prévu des gens qui vous attendent à la sortie / une base arrière juridique. De nouveau, utilisez la stratégie déclarer son identité puis “je n’ai rien à déclarer” jusqu’à votre départ et vérifiez le procès-verbal de cette audition. Si vous n'y allez pas, ce n'est pas un délit, mais si iels veulent vraiment vous voir iels peuvent insister voire venir vous chercher chez vous.
Vous contacter par tout autre moyen : en vous téléphonant, en venant discuter sur le pas de votre porte.... -> au téléphone comme sur le pas de la porte, si c’est la police ou la gendarmerie vous pouvez littéralement raccrocher, ou courtoisement inviter votre interlocuteur inconnu à vous adresser une convocation.
Bref, dans tous ces cas la ligne est simple, il s'agit de toujours garder le silence. Mais évidemment, les pouvoirs de la police ne s'arrêtent pas là.
Iels peuvent perquisitionner chez vous : cette page y est dédiée.
Iels peuvent saisir des documents / objets / informations intéressant l'enquête (par exemple, iels peuvent saisir une banderole, ou demander à protonmail quelle adresse IP se connecte à l'adresse mail de votre action, ou accéder à vos relevés bancaires).
Iels peuvent notamment demander aux opérateurs téléphoniques et internet les données de trafic et de localisation. Concrètement, on parle du bornage (lorsque vous téléphone n'est pas en mode avion ou éteint, il se connecte à des antennes à proximité, et cela envoie un signal qui permet d'identifier que vous étiez à tel endroit à ce moment) et de vos factures détaillées qui contiennent vos échanges par téléphone et SMS (durée de l'appel, heure, numéro de téléphone du correspondant). Néanmoins, depuis une décision récente de la Cour de cassation (par ici, par là, ou encore là), ces pratiques sont censées être réservées à des cas très graves : ainsi, même si elles continuent à être utilisées, il est possible d'en demander l'annulation après coup. Cela reste un moyen d'enquête très utilisé, et auquel il nous faut faire très attention (en veillant à ne pas borner sur le lieu de l'action par exemple).
Iels peuvent vous géolocaliser (à condition que la peine encourue soit d'au moins 3 ans d'emprisonnement). La mesure ne peut pas excéder 8 jours consécutifs (15 en délinquance organisée), sauf si elle est autorisée par un juge des libertés et de la détention (1 mois renouvelable) ou un juge d'instruction (4 mois renouvelables). Les renouvellements ne peuvent pas excéder la durée maximale d'un an (2 en délinquance organisée). A condition que la peine encourue soit d'au moins 5 ans d'emprisonnement, iels peuvent activer à distance tout objet connecté pour vous géolocaliser (téléphone bien sûr, mais aussi GPS de la voiture, ordinateur...) (articles 230-32 et suivants du CPP).
Beaucoup plus simplement, iels peuvent aller sur les réseaux sociaux, les médias, et regarder ce qu'il s'est passé, ou se baser sur des renseignements fournis par d'autres personnes (qui nous dénoncent, donc).
Dans quelques cas, des pouvoirs plus étendus
Attention, même si c'est peu vraisemblable pour nous, dans certains cas la police peut utiliser des techniques plus intrusives, comme vous mettre sur écoute :
Cas 1 : "l'enquête" est dirigée par un juge d'instruction (par opposition à un procureur)
- Si l'infraction pour laquelle vous êtes poursuivi.e est punie d'au moins 3 ans d'emprisonnement (c'est notamment le cas de la dégradation en réunion) (article 100 à 100-8 du CPP), iels peuvent écouter vos appels et lire vos messages. Cela peut durer jusqu'à 4 mois renouvelables (jusqu'à 1 an, voire 2 en délinquance organisée). Théoriquement, cela concerne tous les modes de communication électroniques (par exemple signal), mais dans ce cas la difficulté pour elleux sera d'ordre technique.
Cas 2 : l'enquête relève de la délinquance/criminalité organisée (extrêmement peu probable, uniquement pour des faits qualifiés de manière particulièrement grave. Cela a tout de même été retenu - via le crime de dégradations dangereuses pour les personnes - pour l'action contre la cimenterie de bouc-bel-air. La liste complète des infractions concernées est ici)
- Iels peuvent écouter vos appels et lire vos messages. Cela nécessite l'accord d'un juge des libertés et de la détention (ou du juge d'instruction s'il dirige l'enquête), et peut durer jusqu'à 1 mois renouvelable une fois (article 706-95 à 706-95-3 du CPP). Théoriquement, cela concerne tous les modes de communication électroniques (par exemple signal), mais dans ce cas la difficulté pour elleux sera d'ordre technique.
- Iels peuvent se faire passer pour un militant.e et nous aider en s'exonérant de leur responsabilité pénale. Cela ne nécessite pas l'accord d'un juge, et peut durer jusqu'à 4 mois renouvelables. (articles 706-81 à 706-87 du CPP)
- Iels peuvent installer un dispositif espion sur vos appareils pour capter vos données informatiques (article 706-102-1 du CPP) ; placer des micros et caméras (articles 706-96 à 706-98 du CPP) ; placer un IMSI captcher (un appareil qui intercepte les communications et recueille les données de connexion autour de lui) (article 706-95-20 du CPP). Cela nécessite l'accord d'une juge des libertés et de la détention (ou d'un juge d'instruction s'il dirige l'enquête), et peut durer jusqu'à 1 mois renouvelable une fois s'il s'agit d'un juge des libertés et de la détention, ou 4 mois renouvelables jusqu'à 2 ans s'il s'agit d'une instruction (articles 706-95-11 à 706-95-19 du CPP) - sauf dans le cas de l'IMSI captcher lorsqu'il est utilisé pour intercepter les communications, auquel cas cela ne peut pas durer plus de 48h renouvelable une fois (article 706-95-20 du CPP).
- Cela étend aussi leurs pouvoirs en matière de garde à vue (qui peut durer jusqu'à 4 jours) ou de perquisition (qui peut commencer la nuit).
Dans l'enquête sur l'intrusion dans une usine Lafarge à Bouc-Bel-Air, on retrouve ces deux mécanismes : l'enquête est dirigée par un juge d'instruction et des techniques spéciales d'enquête sont utilisées. Pour voir comment elles sont mises en œuvre en pratique, et donc voir ce qu'il peut nous arriver de pire dans une enquête poussée, on peut lire cette brochure récapitulative des moyens d'enquête utilisés.
Pour simplifier sur ces pouvoirs plus étendus : si "l'enquête" est dirigée par un juge d'instruction, vous pouvez être mis sur écoute ; dans le cas où l'enquête relève de la délinquance organisée, à peu près tout peut être surveillé mais c'est très peu probable au regard des actions que nous faisons actuellement dans le cadre d'XR.
Infos présentées autrement par ici : https://www.police-nationale.interieur.gouv.fr/Organisation/Direction-Centrale-de-la-Police-Judiciaire/Les-actes-d-enquete (attention, ça date un peu)
Conseils pendant l'enquête
Comme rappelé au début de la page, vous pouvez faire l'objet d'une enquête sans le savoir. Il est toujours bien de faire attention à votre hygiène numérique, de ne pas tout raconter dans des réunions publiques, et de garder en tête de systématiquement garder le silence face à la police.
Néanmoins, dans certains cas, vous en êtes tout à fait au courant, puisque vous sortez de garde à vue, et vous vous demandez ce que vous pouvez faire. Donc, quelques conseils en vrac :
- Idéalement, vous pouvez retirer vos appareils numériques de chez vous pendant les 8 jours qui suivent l'action, et effacer toutes les informations potentiellement compromettantes. Le mieux reste évidemment de l'avoir fait avant, puisque la perquisition peut avoir lieu pendant la garde à vue.
- Concrètement, il faut savoir qu'entre la fin de votre garde à vue et le moment où vous serez informé des suites éventuelles, il peut s'écouler plusieurs années. Si vous êtes avec un.e avocat.e, lui non plus n'a pas accès à votre dossier à ce moment là. Si l'enquête n'est toujours pas terminée au bout d'un an, vous pouvez demander à consulter votre dossier, et au bout de deux, il vous sera nécessairement mis à disposition. Une fois l'enquête terminée, le procureur prendra une décision (vous poursuivre ou non, sur quel forme). Vous en serez alors informé. Les charges retenues à votre encontre peuvent être différentes selon les participant.e.s à l'action et peuvent changer au cours de l'enquête. Et en attendant, puisque c'est long, vous avez tout le temps pour envoyer un message à @support_juridique pour nous raconter ce qu'il s'est passé ;-) Plus d'infos par ici.
- Si vous déménagez (et que votre adresse ne correspond plus à celle que vous aviez donnée en gav) alors que vous savez qu'une enquête est en cours contre vous, vous n'êtes pas tenu de signaler ce changement d'adresse. A moins que vous ne souhaitiez leur faciliter la tâche, c'est à eux de trouver votre nouvelle adresse.
- Si vous commettez à nouveau une infraction alors que vous avez une enquête en cours, cela ne signifie pas que vous êtes en "récidive", donc la peine que vous encourez pour la nouvelle infraction (ni pour la précédente) n'augmente pas. En revanche, lorsque le procureur va faire son choix sur ce qu'il advient de vous (par ici toujours), la décision qu'il prendra vous sera sans doute plus défavorable. En pratique, cela peut aussi influencer la décision du juge.