La garde à vue sous X
Cette fiche vise à présenter plusieurs éléments, rassemblés par le GST Juridique, pour répondre à la question :
Faut-il faire une garde à vue "sous X" ?
Qu'est-ce qu'une garde à vue sous X ?
Il s'agit d'une garde à vue où les rebelles refusent de donner leur identité et de se soumettre à la signalétique jusqu'à la fin de la garde à vue. Ainsi, la police et la justice ne sait pas qui est actuellement placé.e en garde à vue, elle peut s'en douter via le travail des renseignements mais il ne s'agit pas d'une identification formelle.
Refuser de se soumettre à la prise d'empreintes digitales et génétiques est passible d'un an de prison et de 15 000 euros d'amende si la police a des raisons plausibles de penser que vous ayez commis un délit (ou un crime).
Cette peine est très souvent inférieure aux peines maximales pour les délits pour les lesquels vous avez été arrêté.e.s (exemple : dégradations en réunion, code de téléphone...) et en France, les peines ne se cumulent pas.
Qu'est-ce que je risque à faire une garde à vue sous X ?
De manière générale, le niveau de tension risque d'être plus élevé dans vos rapports aux forces de l'ordre, la police et la justice n'aiment pas particulièrement qu'on refuse de se soumettre à leur autorité. Certains droits pourraient être moins respectés, la police peut mentir et dire que comme vous êtes sous X, vous n'avez pas accès à tel droit.
C'est à prendre en compte dans votre décision de rester incognito ou non.
Concrètement, depuis la loi du 24 janvier 2022 relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure, il est possible pour la police, sur autorisation du procureur de la République, de prendre vos empreintes digitales et génétiques de force, "dans la mesure strictement nécessaire et de manière proportionnée" si ce pour quoi vous avez été arrêté·e est possible d'au moins 3 ans de prison (une dégradation en réunion suffit par exemple). Si vous avez demandé un·e avocat·e, iel pourra être là pendant la prise forcée.
Ainsi, si vous êtes déjà connu.e.s des services de police, la GAV sous X perd de son intérêt, elle pourra vous identifier par de précédentes entrées dans le TAJ ou de force si elle le demande.
Ensuite, lorsque la garde à vue arrive à sa fin et que le parquet souhaite vous poursuivre, comme elle ne sait pas qui vous êtes, vous vous exposez à un risque bien plus élevé de détention provisoire pour garantir que vous vous présentiez au procès le jour J. Même sans aller jusqu'à là, le contrôle judiciaire prononcé en attendant votre procès pourra être bien plus lourd.
Pourquoi on pourrait faire une garde à vue sous X ?
Plusieurs raisons peuvent mener à quand même vouloir faire des garde à vue sous X :
-
Refus du fichage
La police et la justice rassemblent un nombre d'informations massif sur les militant·e·s politiques. On peut souhaiter ne pas contribuer à remplir ces fichiers, encore plus dans un climat où les politiques autoritaires s'accumulent et créent de nouveaux fichiers, de nouvelles cellules d'enquêtes dédiées et font sauter des gardes-fous sur l'utilisation de ces fichiers.
Attention cependant, une fois que vous êtes connu.e.s, vous êtes dans les fichiers, l'argument perd de son poids. Cela peut quand même ralentir l'enquête de la police. -
Stratégie de défense collective
Si de nombreuses personnes sont arrêtées en même temps, il peut être une stratégie de tous.te.s vouloir rester sous X, cela demande un travail supplémentaire important à la police de vous consigner sous identités anonymes, de demander la prise d'empreintes forcée au parquet, d'essayer de vous identifier par d'autres moyens... Peut être qu'un commissariat peut accueillir un certain nombre de militant·e·s mais c'est peut être pas aussi vrai si TOUTES les personnes demandent beaucoup plus de travail. Cela pourrait l'encourager à vous relâcher plus tôt et provoquer plus d'erreur de procédure de son côté.
Pour ce cas, on peut conseiller de mettre les personnes connues des services de police plutôt à la fin pour ne laisser au début que des personnes inconnues de la police.
L'importance de penser collectif
Dans tous les cas, il est important de prendre cette décision collectivement ou alors de le décider en amont, lors de la définition du consensus d'action.
Si une minorité de camarades souhaite rester sous X alors que le reste donne son identité, alors la violence de la police et de la justice pourra se retourner vers celleux qui sont restés anonymes.
Si une minorité de camarades donne son identité alors que le reste reste sous X, la justice pourra, par facilité, ne poursuivre que celleux qui se sont identifié·e·s.
La prise de décision devra dans la mesure du possible se faire en prenant en compte toutes les personnes concernées. Il y a beaucoup de cas par cas (par exemple militant·e qui a une ordonnance médicale nominative sur ellui, militant·e susceptible d'attirer la violence de la police...).
Un dernier point dans le questionnement sur la GAV sous X est l'adéquation avec la stratégie originelle de la désobéissance civile. Cela va en contradiction avec le narratif d'agir à visage découvert, d'assumer ses actes, de jouer le rôle du/de la citoyen·ne face aux puissant·e·s. C'est à prendre en compte si votre action s'inscrit dans ce narratif.
Alors faut-il faire une GAV sous X ?
Comme dit plus haut, c'est avant tout une question de décision collective prenant en compte les situations individuelles de chacun·e·s ! Il y a un équilibre à trouver entre la volonté de s'extraire du fichage et la violence policière et judiciaire que cela pourrait engendrer.
Si vous souhaitez rester sous X, discutez-en en amont avec vos camarades, votre proche, votre avocat·e afin de diminuer la charge mentale de tous·te·s et que chacun·e sache comment réagir.
Attention au syndrome de l'héros (souvent mec cis blanc), qui peut, par volonté de briller, vouloir jouer le dur et faire sa garde à vue sous X sans forcément que ça s'intègre dans le consensus d'action et ou la stratégie.